1. Il faut partir...
  2. Partir pour oublier...
  3. Silhouettes mouvantes...
  4. Migration, transhumance...
  5. S'imbiber de soleil...
  6. Je voudrais me retirer...
  7. Et quand de cette terre...
  8. Partir... Elle voulait partir
  9. Partir... lui fallait-il partir ?
  10. Khaïma
  11. Partir...
  12. Prière du voyageur
  13. Avant de partir...
  14. Un petit doigt chemine...

 

PARTIR.......

 

Partir c'est mourir un peu. (Edmond Haraucourt)

On ne part pas. Reprenons les chemins d'ici. (Arthur Rimbaud)

       
 



Il faut partir
se dévêtir
quitter ses souvenirs
comme on quitte une mue

nu

revêtir l'oubli


© Mireille Jeanjean 2000

 

 



Partir pour oublier
Effacer le passé comme on gomme les mots
entrer en solitude comme on entre en tombeau
se perdre en un désert
et s'y brûler les yeux à chercher un goût de vie
jusqu'à l'horizon mouvant qui fuit à l'infini
voir tarir sa dernière larme
sa dernière goutte d'eau
s'évaporer
voir le sang se figer
la peau se fissurer
devenir pierre aux veines incarnat,
se fondre en minéral,
précieuse mémoire.

© Mireille Jeanjean 2000

 

 


silhouettes mouvantes
dansant sur l'horizon
la tête dans les nuages
sans craindre les orages

longtemps j'ai marché
espérant vous toucher
perdant courage

j'enrage


© Mireille Jeanjean 2000

 

 

Migration, transhumance
La vie en mouvement
Ici ou là
Elle va, elle vient
Partir, revenir
Corps prisonnier
Qui ne peut s'évader
Esprit vagabond
Qu'on ne peut retenir
Il nous précède
Il nous suit
Repère l'espace
Délimite le temps
Infiniment
Obstacle à l'oubli
Mémoire de notre histoire
Chaque jour laisse sa trace
Une page de souvenance
Souvenance du passage
Bribes de voyages
Pour ne pas s'égarer
Dans la traversée du monde
Errances éperdues
Vers d'autres visages
D'autres paysages.

© Mireille Jeanjean 22/12/2001

 

 


s'imbiber de soleil
renaître de la lumière
petite fleur perdue
au milieu du néant

et puis meubler ce vide comme ferait l'artiste
petit coin de ciel bleu
une lune au milieu
de la poussière d'or pour éclairer la nuit

et puis déboutonner ses souvenirs,
ouvrir la boîte, à malice, à surprise, aux secrets
Appelez-la comme vous voudrez,
vide poche ou foutoir
qu'importe à l'intérieur c'est le bordel


Renverser son contenu
Rassembler le passé
Réveiller un présent
Rêver d'un avenir

Inventer

© Mireille Jeanjean 2000

 

 



Je voudrais me retirer du monde
Me cacher loin des regards
Changer les lumières
Inventer des éclairs
Voir d'autres couleurs
Apprivoiser les ombres
Façonner les reliefs
Limer, aplanir, unifier
Lisser les blessures
Pour qu'enfin s'apaisent
Maux, tourments, tortures
Oublier pour guérir

Eteindre ma vie

© Mireille Jeanjean 2000

 

 


Et quand de cette terre tu auras fait le tour
Le ciel sera toujours au-dessus de ta tête
Ton corps couvert d'écume, de cendre et de sel
Aura levé le pied comme on relève l'ancre

Il faut partir

Comme ce vieux trimard qui traîne sa misère
sous la pluie, dans la boue, le long des caniveaux
Tu rêves de pays où l'azur est léger
de brillants paradis, de rivières d'argent

Il faut partir
©Mireille Juillet 2000….. Mai 2001

 

 


Partir... Elle voulait partir (Inspiré par "Le compartiment", tableau de Edward Hopper)


Etrange attrait pour les quais, les salles d'embarquement
Une impression bizarre naît au creux de sa poitrine
Et se diffuse en ondes circulaires
Comme une pression, un serrement, un stress
Vertige agréable et désagréable à la fois
Une envie indiscernable,
Un état troublant
Suspendu au bout d'un fil
Balançant entre l'avant et l'après
Pas encore parti, pas encore arrivé


Elle aime l'anonymat de la gare
Etrangère au déchirement du départ
Indifférente à la joie des retrouvailles
Elle déambule parmi les larmes
Larmes de désespoir, larmes de joie


Aussi loin que ses souvenirs la portent
Elle a eu ce désir de partir

Partir... partir...

Un petit doigt chemine sur la carte de France
A l'abri du regard des enfants de la classe
Un rêve de voyage attrapé dans le feu
Au milieu des roulottes du campement gitan


Découvrir ces pays où la pluie se fait rare
Où le soleil écrase les maisons en terrasse
Où les femmes se cachent sous de grands voiles blancs

Partir... partir...

Une cuirasse qui se déchire,
Des chaînes qui se brisent
Sensation de légèreté
Quel étrange sentiment quand le corps nous échappe et fusionne avec l'esprit !
La vie soudain se déroule au ralenti
Chaque pas marque un appel vers l'envol
L'air est devenu si léger ! sans effort il se respire
Clair, doux, limpide,
Il glisse, déplisse, décrispe
L' étreinte se délite, les mouvements se délient,
Délivrée, libérée
Elle a troqué les fers contre un chemin de liberté

Un compartiment vide
Pour explorer sa solitude,
Déposer ses regains d'angoisses,
De remords, de culpabilité
Se convaincre que partir serait sauver sa vie.

Le paysage défile indifférent au train qui passe,
Le soleil couchant allonge ses ombres.
Insensible à la pénombre, aux éclairs des derniers rayons

Elle s'abandonne au confort du wagon
Aux cliquetis monotones des roues
Qui l'attirent à chaque seconde
Vers un monde inconnu.

Sur le tableau noir posé à côté de la toile de Edward Hopper

Elle a écrit :

" Pourquoi cet étrange attrait pour les quais, les salles d'embarquement ?"

© Mireille 19/12/2000

 

 

Partir.... lui fallait-il partir ? (Inspiré par le film Indigènes)


Partir. Lui fallait-il partir ?

Partir pour être.
Ici c'est un sous-homme, un outil, un manoeuvre entre sur-exploitation et esclavage. Etranger sur sa terre.

Partir pour subsister.
Depuis qu'on lui a volé la terre de ses ancêtres, brutalement avec cris et sang, il ne lui reste que quelques épines dans des ravines arides. Ses chèvres même n'en veulent pas.

Partir pour la reconnaissance.
Et s'il sait lire peut-être pourra-t-il accéder à un grade important ? Pourquoi pas....
Mais il ne sait pas lire, on ne lui a pas appris. De toutes façons il ne veut pas commander. Lui, est né pour être soumis, pour obéir.

Partir pour ses enfants, pour l'argent promis, l'aisance espérée, l'école à portée de main, le repas de fête, le mariage de ses filles.

Partir. Lui fallait-il partir ?

Dans un élan de fierté, un cri du coeur, un chant d'espoir, il a dit OUI. Il devait partir, partir loin d'ici, au delà de la mer, vers des terres glacées. Partir pour libérer la mère patrie.
Il est parti avec un fusil, avec son inexpérience et sa naïveté.
Lui, c'est le peuple. Des Africains enrôlés pour affronter sur une terre étrangère un ennemi inconnu .
La plupart dort pour l'éternité en terre alsacienne.


© Mireille, 31 mai 2006

 

 


Khaïma

 

Depuis près de dix mois, elle attend le départ
Aux abords de l'étang, sous le chêne du parc
Elle tire en tout sens, endure et se déchire
J'ai compris mon amie, il est temps de partir


Le climat à l'auberge est quelque peu humide
Des rêves d'évasion, vers les terres numides
Viennent peupler tes nuits, te parler de tes sœurs
Plantées sur le sol sec, dans le froid, la chaleur


Demain je rangerai, notre strict nécessaire
Puis nous prendrons la voie, sereines et légères
Au rythme d'escargot, attendant le repos
Bien roulée, ficelée, tu seras sur mon dos


Je te promets trois mois de cette vie nomade
Tu aimeras me suivre où mes pas se hasardent
Je te promets trois mois de vibrants paysages
Tu seras mon asile au loin vers les mirages.

© Mireille le 22 décembre 2007

 

 


Partir....


Quitter le coeur du Monde
Partir pour l'infini
Le grand infini
Se poser à la limite
Sur le fil de l'absence
Où le temps n'a plus sa place
Sur le point sans force
Les attractions s'annulent
Une seule force m'emporte
Abstraite, impalpable
Elle envahit ma pensée
Annihile ma volonté
Amplifie mon désir
De partir

Je me sens pousser des ailes
Fuir ? Revenir ?
Mon esprit balance
L'instant d'une lumière
Rompant le silence
Je quitte l'espace sidéral
Sidéré par ce voyage
Dans l'espace
Le grand espace


© Mireille 15 avril 2003

 

 


Prière du voyageur


Seigneur, je ne vous sollicite jamais, et vous savez pourquoi. Cependant dans les sables, minuscule dans le silence, je sens cette chose indéfinissable emplir l'immensité de l'espace.
C'est peut-être vous.
Aurai-je assez d'humilité pour vous prier ?
Je ne vous prie pas pour moi
Je ne demande pas à être sauvé
Je ne crains pas….

Je voudrais, je voudrais tant.
Pouvoir entrer en communion avec ces silhouettes furtivement entrevues au détour d'une dune
Réduire les distances entre elles et moi
Echanger des sourires
Effacer la peur que j'inspire
Me fondre comme ces gens dans l'ombre d'une barkhane
Je voudrais connaître comme eux privations, souffrances
Subir le froid sous la lune blanche

Votre ciel, dans la nuit, est une féerie
Vos étoiles m'enchantent
Tout est beau ici
Mais à quoi sert cette beauté quand tout le reste est absent ?

 

© Mireille 22/11/2006 à St-Mandrier

 

 


Avant de partir...

 

Avant de partir
Se vider l'esprit
Quitter ses a priori
Se débarrasser de ces scories qui souillent notre être
Se nettoyer de tout

La fraîcheur retrouvée

Partir

S'émerveiller de rien
S'émerveiller de tout
Se nourrir d'ailleurs
Goûter l'autre sans le dépouiller

Au retour
Laisser reposer
Composer
Déguster jusqu'à satiété

Et lorsque le bagage vous semble presque vide
Lorsque le goût, la faim tiraillent à l'estomac
Penser au prochain ravitaillement
Au nouveau départ

© Mireille 22/11/2006 à St-Mandrier


 


Un petit doigt chemine sur la route, entre Nîmes et Périgueux. C'est la fin de la journée, la carte de France pend, immobile le long du mur de la classe. Elle a sept ans, des envies de partir.

Des mots piochés dans ses livres d'école, des mots qui l'entraînent dans des rêves sans repère. Taïga, Baïkal, Tombouctou. Elle a huit ans, des appétits d'ailleurs.

Petites maisons blanches, sans étages, toit en terrasse, crayon gris sur papier jauni, silhouettes voilées à peine esquissées. Trop jeune pour affronter les lignes de ce livre.

Mais elle sait. Un jour elle ira.
Un jour elle est partira
Elle ne s'arrêtera plus.

© Mireille 22/11/2006 à St-Mandrier

 

<-- Précédent Suivant -->

Accueil | Index des phototextes | Index des textes seuls

©2000-2008 Mireille Jeanjean