Objets inanimés, avez-vous donc une âme qui s'attache à notre âme et la force d'aimer ? (Alphonse de Lamartine)
       
 


Plume

 

Plume blanche,
plume volage
ivre de voyage
tu ne peux rester en cage

libre, légère,
le moindre souffle te chasse
de ma main tu t'éloignes
tu ne peux rester en place

insoumise indocile
qui pourrait te retenir captive?
Un poète peut-être qui t'inviterait
à visiter ses rêves

© Miréio 15/10/02

 

 


Escalier

 

Un pied, deux pieds
Et me voilà aspirée dans sa spirale

Je tourne, je monte
Tourbillon sombre
Tourbillon étroit

Que vais-je trouver là-haut?
Et si ce tube n'avait pas de fin?
Gravir la verticalité jusqu'à l'infini
Jusqu'au bout de ma vie.

Le souvenir d'Orphée m'obsède
J'ose un regard en arrière
Un trou noir absorbe mon souffle
Mes oreilles diffusent l'air de la zingarelle
Une grosse caisse résonne dans ma poitrine

Quand sortira-je de cet enfer?
Qui a parlé de monter aux cieux?

De temps en temps une lueur
Pour patienter
Pour rassurer
Pour ne pas rater

La prochaine marche
De l'escalier

©Miréio 16/10/2002

 

 


Balade en escalier

 

Gravir, s'élever, aller toujours plus haut
Quête de l'homme depuis les temps immémoriaux
Atteindre l' inaccessible,
Toucher l'impénétrable
L'hypothétique paradis

Pierre après pierre
Marche après marche
Ils ont connu l'enfer
Espérant se hisser au plus haut degré
Sans jamais se retourner

Escalator, passerelle, escalier
De service ou dérobés
Grimpent et dévalent
De l'étage au sous-sol
De la cave au grenier

Pour eux tous les sens sont bons
Il suffit de saisir les beaux échelons

© Mireille 26/11/2002

 

 


Tant de maux

 

Une petite pensée pour ces chers écoliers et particulièrement les CP...

 

Lettres, je vous hais
Vous êtes la cause de tant de maux.

Il y a celles qui s'accouplent, s'enlacent
S'associent pour tromper et conduisent à la dyslexie

Celles qui apostrophent ou prennent des accents
Je n'la vois pas et je l'entends
Je n'l'entends pas et je la vois

Elles se déguisent, changent leur voix
Nous mènent sur de mauvaises voies.

Il y a les sonores et les muettes
Toutes, elles n'en font qu'à leur tête
Elles se forment, se déforment, se transforment
Même minuscules elles sont capitales
En pleins et en déliés, elles s'étirent et s'étalent.

Il y a aussi la coquette qui se pare pour devenir lettrine
Initiale enluminée pour mieux nous ensorceler

Et la lettre de service, la toute petite, celle qui nous renvoie ailleurs.

Certaines portent chapeau, d'autres mettent un point d'honneur parfois deux pour se distinguer

D'autres encore accrochent un petit serpent pour apprendre à siffler

Le soir elles dansent devant mes yeux
Je voudrais bien les capturer, les prendre au pied
Mais elles enjambent, montent sur leur queue
Pour ensuite grimper tout en haut de la hampe.

Parfois, elles se penchent pour partir à Venise
Ou s'arrondissent pour filer à l'Anglaise
Quand la cursive s'abâtardit.

En lettres de feu, en lettres de sang
Typographiques ou manuscrites
En attaché ou bien en script
Consonnes et voyelles comprises
En toutes lettres je vous le dis :

Lettres, je vous hais
Vous êtes la cause de tant de maux.

© Mireille 20/04/2002

 

 


Les mains



Petits poings potelés
où vivement palpite
en lignes bleutées,
la vie
Deux vies intimement liées
rythmées par le flux de la sève
Petites mains abandonnées à la chaleur du sein
L'enfant repu s'en va vers des futurs rêvés.

 

Légères, douces, tendres
Ses mains dessinent son corps
Son visage d'abord
Les doigts suivent la courbe des sourcils
S'attardent sur les paupières
Explorent les plis, les replis des oreilles
Tandis que les pouces épousent
Le contour de son nez
Se rassemblent au milieu des lèvres convoitées
Glissent jusqu'à leur commissure
Ourlent, déroulent, roulent
Entrouvrent le désir
Et continuent leur route
Vers d'autres conquêtes
D'autres découvertes
Aux dérours d'autres courbes

 

Dix doigts prêts à mordre la vie
Dix doigts impatients
Insouciants
Imprudents
Que reste-t-il de ces promesses
Prouesses avortées
Eclats d'artifices
Décapités
Déchirés
Où ne restent que les stigmates de tendresses anciennes.

 

Deux mains recroquevillées sur des souvenirs d'outils
Mains à jamais refermées sur l'invisible
Caresses cachées dans les cicatrices
Noblesse de la chair, dextérité de l'artiste
Ensevelies sous les ans
Engluées dans une gangue de rugosité
Encroûtées sous des couches de callosités
Pierre, terre, bois
Elle ont poli, sculpté, façonné
Ustensiles rustiques
Objets de luxe
Instruments de torture.

 

Les mains parcheminées
Où lentement chancelle entre les taches brunes
La vie assagie
Mains-douceur polies au labeur
Main-finesse, souvenir de caresse
Emoi froissé
Réminiscence de violences
L'index sur la détente d'un geste obligé
Explosion
Déchirement
Frisson de souffrance.

 

Dans leur folie les hommes
Ont armé leurs mains
De gant de fer
Et pointé l'acier vers des cœurs
Coupables ou innocents.

 

Dans leur sagesse les hommes
Ont imposé les mains
Soulagement
Bénédiction
Guérison
Raison ou déraison.

 

Dans leur curiosité les hommes
Ont tendu leur index.

Et toi que je ne connais pas
Que fais-tu de tes mains ?

© Mireille 7 mai 2004

 

 
Les lunettes

Il y a les lunettes pour se protéger du soleil. Inutiles par le temps qui court.

Il y a les lunettes pour se protéger de l'eau. Ne pas les oublier quand vous sortez en ce moment.

Il y a la lunette arrière, indispensable pour conduire à reculons ou surveiller les voitures banalisées qui tentent de vous piéger avec le radar embarqué.

Il y a la lunette pour poser son cul

Il y a les lunettes de presbytes, d'astigmates, de myopes, d'hypermétropes, de superman

Il y a la lunette de l'amiral qui fouille l'immensité de la surface de l'eau à la recherche d'une terre

Il y a la lunette astronomique qui, elle, en plus de sonder la profondeur de la voûte céleste, observe les jeux, danses, ébats des astres, des OVI et des OVNI

Il y a la lunette du serpent, à manipuler avec précaution.

Si avec ça, vous ne trouvez pas votre bonheur, reste plus qu'à vous pendre... ou à placer votre tête dans la lunette de la trancheuse.

Cette dernière solution laisserait un vide impossible à combler. Imaginez l'épanchement de nos coeurs, les pleurs intarissables. Inondation assurée. Que d'eau, que d'eau !

© Mireille le 3 juin 2008
 

 


SOS

On m'appelle Reine.
Je vis au grand air, dans les prés parfumés.
Grande, élancée, le corps souple, la tête haute, les pommettes colorées d'un brin de timidité, un coeur d'or débordant de miel.

On me dit sauvage. J'estime pouvoir me recueillir, parfois, seule, à l'écart des sentiers battus.
Nullement artificielle, j'aime les choses simples : soleil, rosée, brise
J'ai les pieds sur terre mais déteste le macadam.
Je me plais à rêver la nuit à la clarté de la lune.

N'imaginez pas m'enfermer, me dresser, me domestiquer
Ma devise est liberté.
Si vous me capturez, je mourrai dans vos bras.
Je supporte à la rigueur d'être effleurée... quelquefois...

Séduisante. Mon palais d'essences et de nectars vous tente. Mais....
Limaces, vermines et autres parasites, inutile d'essayer de me conter fleurette. Je vous méprise.
Passez votre chemin avant que je ne me mutine et vous jette à la figure une volée de poudre à éternuer.
Ma préférence va à ceux qui savent me butiner.

Si vous pensez être celui qui saura m'entourer de soins, m'apprivoiser sans m'emprisonner, faites florès je serai bientôt flétrie.


© Mireille 23/09/2002


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