Titicaca, autre rêve d'enfance
Quel lac ! Immense, émaillé de nombreuses îles. De
temps en temps il se prend pour un lagon tropical, oh, juste côté couleur,
car ses 14 °C n'engagent pas à la baignade.
Mon voisin de banquette voit mon émerveillement et décide
que je ne devais rien manquer du tableau qui défile à travers les
vitres de l'autobus. A chaque nouveau point de vue, il me pousse du coude.
Epoustouflant !
La côte est si découpée qu'à un moment, le trajet coupe
au plus court, à travers le lac. Tiquina, tout le monde descend
!
Copacabana esta aqui ? No, la barca, répond mon voisin en tendant
l'index en direction du port. Je suis la foule qui se précipite
vers un guichet. 1,5 Boliviano, un ticket. Quant aux bus, ils traversent
sur des radeaux de fortune.
De l'autre côté, un représentant
du peuple du soleil, un Inca plus vrai que nature nous attend bras ouverts.


Copacabana au bord du lac Titicaca attend le touriste,
mais sans harcèlement.
Chacun essaie de gagner un peu de cette manne venue de l'étranger,
comme cet enfant qui s'improvise guide de l'observatoire astronomique
des Incas.
Son T-shirt rouge s'impatiente là-haut entre les rochers.
Je grimpe lentement.
Le camino de los Incas est bien raide et le soleil brûlant. Et
l'altitude !
Il m'indique tous les détails, m'explique l'équinoxe, le
solstice…
A mon tour, je lui explique les mouvements de la terre et les saisons
inversées. Grâce à lui j'enrichis aussi mon vocabulaire
espagnol : "ivierno", "verano" pour l'hiver, l'été.
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Monter descendre, il faut le mériter ce gros village. Et
puis au détour d'une rue, une boutique m'interpelle : librairie, échange,
achat, vente de livres. Parmi les ouvrages en espagnol et en anglais
je déniche un petit bouquin de Vilma Fuentes en français
! Je n'ai guère lu ces derniers temps si ce n'est relire les
bouquins déjà lus. Je dévore et redévore
le "King lopitos". |
Femme
Elle avance à petits pas
Courbée sous le fagot de bois qui lui brise le dos
A la main un gros sac de pommes de terre
Dans l'autre des brindilles
Quel âge peut-elle avoir ?
J'arrive à sa hauteur et tends la main vers le sac
Elle comprend. Je la soulage
Je suis toujours étonnée devant la confiance
Que les gens d'ici accordent aux étrangers

J'ai passé trois jours au bord de ce lac, sous influence inca. Outre
l'observatoire, il y a le bain de
l'Inca,
la fontaine
de l'Inca,
le tribunal
de l'Inca. Impossible
de ne pas penser à mon amie Bubu qui aurait aimé siéger
dans ce tribunal aux sièges taillés dans la
pierre, sur une colline, face à la ville et en plein air !
Tout est de l'Inca ici et du soleil aussi comme le temple
del Sol, sur l'Isla del Sol !

Mais
depuis les Espagnols ont apporté le christianisme et une église
monumentale trône au centre du village. Ses tuiles vernissées,
ses mosaïques,
ses coupoles, arcades et autres constructions me font penser aux mosquées
marocaines...Un petit air d'art mauresque.

Ce soir, je mange dans la rue. Une gargote est installée devant
le marché. Pratique. Ici pas de stock, pas de surgelé. Aussitôt
acheté, aussitôt cuisiné, aussitôt consommé..
Je m'installe sur un banc instable devant une table improvisée.
Mon voisin a terminé, il s'éloigne en me lançant un
buen provecho, bon appétit ! Gracias señor.
Deux fillettes ne me lâchent pas des yeux, étonnées
de voir un visage pâle manger ici.
haut

Cliquez sur l'image pour voir la quinoa en détail

Le chemin de la péninsule dévoile des rivages merveilleux.
Ma curiosité, toujours plus forte que la raison, me pousse vers
l'avant. Impossible de m'arrêter.
Oui mais il fait faim quand on avale des kilomètres à l'air
pur des 4000 m d'altitude. Hélas rien dans ces hameaux, pas le
moindre petit commerce. Les villageois s'auto-suffisent.
Pêche, élevage de lamas, de porcs, quelques moutons, culture
de quinoa, de légumes et de pommes de terre.
La faim me tenaille. Je cherche et soudain, un visage pâle. Un
touriste ? Non, un biologiste belge qui étudie
les grenouilles géantes du lac. Il ne m'offre pas une asado
de cuisses de batraciens, mais je peux manger la bonne soupe de légumes
que la dame qui l'héberge prépare, accroupie devant
le feu qui brûle entre deux pierres, sur le sol de la cuisine noircie
par la fumée. Ce plat n'a pas de prix.
Deux kilomètres plus loin, au km 17, il y a le port. Les barques
de pêche
dansent sur les clapotis de l'eau que le couchant irise. En face il y
a l'Isla del Sol. On me propose de m'emmener. Hélas je dois vite
rentrer, dans trois heures il fera nuit. Des nuages menaçants
s'installent à l'horizon. La luvia, la pluie m'avertit
un couple de paysans. J'arrive à la
nuit, dans le vent, la pluie, le froid.

haut

Huit heures du matin, les échoppes sont encore fermées.
L'eau et le pain dorment derrière les rideaux de fer. Quelle tuile
!
A Copacabana, il n'y a pas de banque, l'unique distributeur refuse les
cartes étrangères et les bureaux de change affichent un
taux de voyou. Nouvelle tuile !
Miracle tout près du port : un petit étal, du pain chaud,
de l'eau fraîche.
Il fait frisquet à 8h30 quand nous montons sur le bateau.
Trois heures de navigation nous séparent de la partie nord
de l'Ile du Soleil.
Le port de la communauté Challa.

L'île porte bien son nom. Le soleil tape fort. Les roches claires
réfléchissent ses rayons. Les arbres… Où sont
les arbres ?
La Cordillère Royale est comme un bateau sur l'outremer du lac
avec des voiles blanches qui se perdent dans les nuages blancs.
Le sentier pavé s'élève sur les pentes arides.
La pierre sacrée et les ruines d'un temple se cachent dans les
jardins.
La table des sacrifices est toujours là, dominant le lac et les
vestiges de Chinkana.
Un vrai labyrinthe ce village d'un autre âge : passages étroits,
pièces cul-de-sac, escaliers, s'étagent sur le flanc de
la colline.
Ce site n'est pas sans me rappeler le site de Zakros en Crête.
Eau bleue, ciel bleu, vieilles pierres et cette atmosphère indicible.


Le soleil est au zénith. Le long chemin pavé et montant
que les Incas en d'autres temps ont construit, sur le fil des crêtes
parmi les pierres et une végétation rachitique, m'attend
pour rejoindre le sud de l'île.
Les deux petits pains ronds sont vite engloutis, l'eau a perdu de sa
fraîcheur, le souffle s'accélère, je ralentis le
pas.
Le soleil est encore haut quand je parviens aux premières maisons
du village Yumani qui cascadent depuis la crête jusqu'au port.
L'hostel Templo del Sol m'offre une petite chambre dans laquelle se déverse
le soleil.
Je pose mon sac et repars aussitôt vers le temple du Soleil.
Trente minutes annonce un enfant. Une heure précise un villageois.
Pas de temps à perdre. Dans une heure, le soleil tombera dans
le lac et le temple sera enveloppé d'une de ces nuits noires comme
on n'en trouve que dans ces coins isolés de la planète
où la
fée électricité ne vient que très rarement.
 
Ce soir-là je mange une soupe au quinoa dont j'aimerais bien connaître
le secret.
Le froid règne dans cette maison ouverte aux quatre vents.
Pas de chauffage mais la douche est chaude et le lit équipé de
trois grosses couvertures de laine.
Quelle belle nuit ! Les étoiles filtrent à travers la dentelle
du rideau, avec ce scintillement qu'on ne peut entendre que dans le plus
pur silence.
Demain, le long de l'escalier qui mène au port,
je m'arrêterai à la
fontaine de l'Inca. Une eau fraîche et cristalline sort de la montagne
et cascade au bord des marches, à travers un jardin luxuriant,
en terrasses.
Je ne suis pas près d'oublier ces trois jours passés dans
un autre temps.

Retour à La Paz
Que reste-t-il à voir par la fenêtre
ouverte
A voir ou à revoir
Beaucoup Plus Trop Encore
Les routes s'entremêlent
Et mon esprit s'égare
Mon élan s'amenuise
Et mon ardeur s'essouffle
Madagascar m'appelle
La Réunion aussi
Je vais fermer la porte de la Sud Amérique
Je ne jetterai pas la clef. Je reviendrai.
Après les baisers, les tendresses
Avant le temps qui fuit.
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