Du Chili à la Bolivie

 

27 mars 2010, sept heures du matin, le bus grimpe vers l'Altiplano. Direction la frontière bolivienne. La lumière est douce, le ciel immuablement bleu. Deux vigognes cherchent, au milieu des pierres, quelques brins d'herbe. Leur pelage doré donne une touche de douceur à l'aridité du paysage. Nu à l'infini. Vide d'odeurs, empli de couleurs.



La cabane-douane (Oficina Migracion Bolivia) minuscule au pied du volcan Licancabur. Quatre murs gris, des kilos de parpaings et de pierres sur le toit de tôle ondulée. Le drapeau rouge-jaune-vert flotte au bout d'un bricolage de perches. Il fait froid.

Trois voitures tout terrain nous attendent. De vieux 4x4 (une fois n'est pas coutume) pour dix-sept personnes de toutes nationalités. Du Canada à l'Australie en passant par l'Espagne, la France, l'Angleterre, l'Allemagne, La Suisse, l'Italie, la Croatie, nous formons un petit tour du monde.
Nous ne sommes pas les seuls sur cet itinéraire et parfois les voitures alignées sur la crête me font penser aux indiens qui guettent l'ennemi dans les westerns de mon enfance. Nous, nous guettons les flamants et admirons le paysage.



Désert à l'infini. La piste longe des volcans aux flancs multicolores. Blanc, jaune, rouge, brun, noir se superposent, se mélangent le long les différentes coulées de lave. Dans cet extraordinaire espace minéral et salé, seules quelques touffes d'herbe rase parviennent à pousser.




Llareta (Azorella compacta)

 




Par endroits, d'énormes pierres dressées semblent sorties d'un tableau de Dali. L'artiste est-il venu chercher l'inspiration ici ? Ces pierres sont-elles l'œuvre du temps ou bien des vestiges de monuments élevés aux dieux atacamènes avant que les conquistadors n'imposent le catholicisme ?
Il faudra que je me documente. Je voyage sans le guide du pays et nos chauffeurs sont de simples accompagnateurs. Ils connaissent le nom des volcans, des lagunes et d'autres choses palpables. Il y a aussi la barrière de la langue. Comme il a été difficile de réclamer la musique traditionnelle andine à la place des standards mondiaux !

 

 

 

 




Sommes-nous ici pour autre chose que l'aventure ? L'aventure est partout. Sur cette zone géothermique dont le sol semble avoir subi un bombardement. Sol de Mañana à 4870 mètres d'altitude, plus haut que le Mont Blanc !

 

 

 

On se promène librement autour de mille trous. Des boues grises, jaunes ou roses bouillent à gros bouillons dans les marmites du diable. Des bouches crachent en sifflant des jets d'eau et de vapeurs brûlants. Ça sent le soufre. C'est captivant.

 


Il y a aussi ce bassin fumant où l'on se glisse dans l'eau limpide et chaude. Est-elle potable ?
L'eau potable est rare sur l'Altiplano. Les lagunes qui subsistent sont salées ou contaminées par de dangereux produits issus du sol. Arsenic, bore et quoi encore ?
Ce soir à l'hôtel deux robinets seulement distribuent de minces filets d'eau.



Selon les produits ou les micros organismes qu'elle contient, l'eau se teinte de multiples couleurs. Ainsi on croise les lagunes bleue, turquoise, verte, rouge. Les lagunes sèches, quant à elles, étincellent de tout leur sel.
La laguna Colorado a ma préférence. Une eau rouge scintille entre les plaques de sel. La berge est couverte d'un tapis de mousse et de lichen où paît une famille d'alpagas ou de lamas. Ils ont des rubans fuchsias au bout des oreilles. Le dernier-né tète encore sa mère. Des flamants cherchent leur nourriture en laissant traîner leur bec à fleur d'eau.


Alpagas
Vigognes
Flamants de James, Parina chica, Phoenicopterus jamesis
Flamants des Andes, Parina grande, Phoenicopterus andinus

 


La plus grande de ces lagunes est le salar d'Uyuni. Nous avalons des kilomètres d'une étendue blanche réfléchissant l'implacable soleil. Aucun repère pour se situer. Des mirages et au loin, très loin, brouillés de chaleur, les sommets volcaniques. Nous restons des heures à jouer sur le sel, à inventer des effets photographiques. Les chauffeurs ont pour l'occasion troqué leur volant pour nos appareils photos. Les résultats sont probants. Le plaisir partagé.



Photo prise par Miguel, notre chauffeur :

 

 

 


 

 

 

En repartant nous croisons cet îlot rocheux couvert d'énormes cactus. Jacques Dutronc est-il venu ici, à Incahuasi ?
La poignée d'habitants exploite le sel. Le sel, on en fait aussi des maisons ! Nous avons dormi dans un hôtel de sel.

 

 

 

 

En trois jours, nous n'avons traversé que deux villages. Installés en bordure du salar, ils vivent de la culture de quinoa et du tourisme.
Deux femmes, deux cholitas, jupes amples et tresses longues jusqu'aux reins, se dirigent vers l'épicerie. Dans le dos, elle porte l'aguayo (carré de tissu) rayé de couleurs vives qui leur servira de sac à provisions, si la place n'est pas déjà prise par un nourrisson. A cause du soleil probablement, elles ont remplacé le traditionnel chapeau melon par des chapeaux de paille à large bord.

 



Qui m'aurait dit que je traverserais l'Altiplano, du Chili à la Bolivie ! Trois jours de découvertes, d'éblouissements, au sens propre comme au figuré, dans des conditions très rudimentaires. Trois jours entre 4000 et 5000 m d'altitude, dominée par des volcans parfois fumants.
Le soroche (mal des montagnes) n'a effleuré qu'une personne. Pour les légères indispositions, il y avait la coca : en feuilles, en bonbons et les infusions de coca-maté ou de trimaté (coca-manzanilla-anis). La chaleur du jour compensait le froid cuisant de la nuit.
Devant tant de beauté, les désagréments sont vite oubliés. La nature donne et reprend à son gré.
Et si c'était à refaire…

 

 

 

On arrive à Uyuni par le cimetière des trains. Cette voie ferrée n'est plus utilisée. Au milieu d'une étendue parsemée de sacs plastiques multicolores, de bouteilles brisées et autres déchets, les locomotives et les wagons dorment d'un sommeil rouillé. Parfois un ferrailleur vient chercher sa fortune et des tagueurs réveillent la morosité.

 


Cliquez sur la partie droite de la loco si vous êtes demandeur d'emploi :-)

 

 

Le terminal d'autobus, c'est la rue où chaque compagnie à son échoppe. La concurrence est farouche. Potosi ! Potosi ! crient les rabatteurs à la vue d'un étranger (Potosi c'est la ville la plus proche). L'agressivité est absente, la malice brille dans les yeux. Des yeux de jais dans un visage brun-rouge encadré de cheveux noirs. Depuis Pucon, je vois l'identité humaine changer, les origines européennes se diluer peu à peu dans les populations originelles.
La Bolivie n'est pas un pays d'immigration, au contraire nombre de Boliviens quitte la pauvreté pour un rêve chilien, argentin ou espagnol. Quant à moi demain matin, je monterai dans un de ces bus vétustes qui attendent le long de l'avenue. Direction Potosi à 6 heures (220 km) de là.

 

 
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Créé le 30 mai, 2011
Modifié le 25 octobre, 2018

© Bolivie-2010, Mireille Jeanjean. Les textes et les photos édités sur ce site sont la propriété de l'auteur...
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