Entre Chili et Argentine
par-delà la Cordillère des Andes
Les
volcans Andins (vidéo-diapo)
CLIC sur l'image
Un
saut de puce sépare Ushuaia du Chili
Un grand détour est cependant nécessaire afin d'atteindre
Puerto Natales
Il suffit de regarder la carte pour comprendre.
L'avion prendrait peu de temps, mais volerait le paysage et grèverait
notre budget.
Puerto Natales
Petite ville au bord du Pacifique,
Pas réellement le grand océan encore
Puerto Natales se niche au fond d'un dédale de bras de mer
Les Andes dominent
On entre dans la région des glaciers
Bonnet, gants, cache-nez, polaire, coupe-vent
La vue même donne froid
De l'autre côté du canal, ce ne sont que montagnes enneigées
qui apparaissent et disparaissent derrière les nuages et les écharpes
de pluie ou de neige.
On voit défiler le temps en accéléré
Un rayon de soleil balaie la promenade et la plage
Les cygnes en col noir et capuchon rouge se rassemblent
Les cormorans, mouettes, goélands sont déjà endormis sur
les pieux de bois de l'ancienne jetée.
Bientôt la nuit va tomber
Demain nous irons là-bas, entre ces pics où la froidure semble
régner.
Une journée en bateau
Le fjord Ultima Esperanza se faufile entre les sommets enneigés
et les falaises occupées par des colonies de cormorans.
Eau verte tantôt calme, tantôt agitée
Vent violent
Ciel menaçant
Pluie
Après la pluie le soleil
Et c'est dans un grand ciel bleu, au-dessus d'une cascade majestueuse,
que je peux suivre les évolutions d'un condor.
Premier condor.
Le glacier Balmaceda n'arrive plus jusqu'à la mer
La rivière de glace bleutée reste suspendue au flanc montagneux
D'autres glaciers sont en fin de vie
Victimes du réchauffement climatique
Pour voir le Serrano il faut débarquer et cheminer à travers
la forêt
Des fuchsias rouges (Fuchsia magellanica) et des notros (Embothrium
coccineum) rouges aussi, égaient le parcours
Un sentier escarpé longe un lac parsemé de glaçons
et débouche sur le front glaciaire.
Glacier Balmaceda (Chili)
Glacier Serrano (Chili)
Le chemin de retour sera gourmand et convivial
L'estancia Perales nous attend avec sa soupe revigorante, sa parrilla (grillade)
et son verre de vin rouge
Devant les flammes de l'immense grill, les tables sont dressées
Les convives se mélangent
La chaleur est aussi humaine
Ushuaia ouvre la porte des glaces.
Glaciers qui reculent à vue
d'oeil et font place à d'immenses lacs. Laguna Verde, laguna Azul, lago Grey... Torres del Paine, El Calafate,
El Chalten... Des sites parmi tant d'autres.
Notre route zigzague de part et d'autre de la Cordillère andine.
Tantôt au Chili, tantôt en Argentine.
La Patagonie australe
renferme des trésors.
Quels moments forts !
Comme nous sommes
petits devant ces paysages grandioses.
Les
Cuernos et les Torres del Paine en arrière
plan ( Chili)
Tous les tons de bleu et
de vert se concentrent ici.
Voyez ces lacs, cette glace qui expose tant
de nuances de couleurs, ces glaciers suspendus, ces cascades, ces icebergs
qui attendent les courants
favorables
pour s'échapper dans les rios(rivières).
Ecoutez
le bruit des rivières de glace. Vous pensez à l'orage qui
approche ? Détrompez-vous. Ces nuages qui dissimulent les sommets sont
inoffensifs. Ils apportent les cristaux de glace que le vent projettera à votre
face, à la prochaine averse. Les roulements, les craquements que vous
entendez, c'est le glacier qui avance en bousculant la glace. Masse solide
qui se fend et se déchire. Un vrai chaos de failles, de blocs en déséquilibre.
Parfois un pan se détache et s'écroule en grand fracas.
Le Salto Grande, (Parque national de torres del Paine, Chile)
Cerro Torre, au-dessus des nuages (El Chalten, Argentine)
Et puis, il y a ces aiguilles de roche : Fitz Roy, Cerro Torre,
Cuernos et Torres (del Paine). D'autres encore dont j'ai oublié le
nom et qui partent à l'assaut du ciel.
Que cachent ces donjons et remparts crénelés ? De nombreux "andinistes" s'y
sont frottés. Certains ont trouvé la voie. D'autres ont perdu
la vie
" Le mont Fitz Roy, disait Andreas Madsen, est cette montagne
créée
par Dieu pour écraser l'orgueil des hommes et leur montrer leurs limites"
Vous ne verrez peut-être pas tout de suite les sommets.
Soyez patients, les nuages s'effilochent sur les arêtes et ne font
que passer, les vents soulèvent les voiles de brume. Soyez prêts, ça
ne dure jamais.
La diversité des paysages est spectaculaire à Torres
del Paine.
Dans cette immensité minérale et glacée, à côté des
pentes arides, des éboulis de pierres, la végétation se
fraie une place importante. Forêt d'arbustes rabougris, d'arbres tordus
ou domine le nothofagus (hêtre), coussins de mousses,
de lichens,
d'épines,
touffes de fleurs. Immortelles, pois de senteur, edelweiss andins. Toute une
palette
de couleurs
tapisse le
sol.
Ces lieux sont propices aux rencontres. Vous y croiserez certainement
un renard, un troupeau de guanacos, une nichée de nandous, des ouettes,
des vanneaux…
Mais prenez garde au Rio Paine qui précipite ses eaux turquoise en un
Salto Grande, avec des embruns du diable, dans un vacarme d'enfer !
Nous, nous avons rencontré Damien. Il attendait son amie près
des Torres et au pied du Fitz Roy, que les indiens Tehuelch nommaient El
Chalten "la
montagne qui crache de la fumée", nous avons retrouvé Elise
et Marlyse.
Guanacos (Lama guanicoe)
Les Cuernos
( Chili)
Ouette de Magellan (Chloephaga picta)
Renard gris d'Argentine (Pseudalopex griseus)
Vanneau du Chili (Vanellus Chilensis)
En bateau, à pied, en autobus, on se déplace
sous la pluie, le soleil, les averses de glace et dans ce vent perpétuel,
sans se lasser de tant de beauté.
Si les glaciers ont façonné la terre, le vent façonne les
paysages, tourmente les arbres qui peinent à pousser.
El Calafate est une ville
touristique. Restaurants, boutiques de souvenirs, hôtels, magasins de sport, cafés,
pâtisseries…se succèdent tout au long de la rue principale.
Un bar nous attire : le Borges y Alvarez. A côté du
comptoir, le mur est couvert de livres que l'on peut consulter tout en
dégustant
une cerveza Austral ou un pequeño cafecito (petit
café).
Calafate, c'est là que notre route croise celle de
Vincente. Il descend vers le Sud, nous remontons la Cordillère.
Nous échangeons
nos expériences, nos impressions autour d'une parilla (grillade).
Mais où sont les hordes de touristes annoncées sur les
pages des guides ? Nous avons facilement trouvé une auberge. Le
calme à deux
pas du centre.
Sont-ils tous partis dans des expéditions glaciaires ?
Perito Moreno
Le froid saisit à la descente du car.
Le ciel est chargé de nuages gris,
les coups de tonnerre résonnent.
Mais est-ce bien le tonnerre qui gronde ?
Ce dernier coup ressemble à une explosion.
J'avance sur la passerelle au moment où une énorme onde se dessine à la
surface du lac.
Je découvre le front du glacier.
Un pan de glace vient de tomber provoquant cette vague qui s'élargir
tandis que de gros glaçons remontent à la surface.
Quel accueil ! Quelle puissance ! Une force de la nature.
Il est impossible d'un seul coup d'œil d'embrasser sa largeur.
Pour avoir une idée de sa longueur, il faudra attendre le soir quand
le ciel basculera au beau et laissera filtrer les rayons du couchant.
En attendant, je me penche sur son front.
Il dévoile un éventail de bleus zébrés, par endroits,
de gris et d'ocre.
Perito Moreno
En suivant les passerelles je descends presque
au niveau du lac.
Une arche fait la jonction entre le glacier et la terre ferme.
Je n'ai jamais vu de bleu aussi foncé sauf en haute mer, ni de bleu aussi
clair, transparent, lumineux, malgré un ciel si bas.
Régulièrement des aiguilles s'effondrent, soixante mètres
de glace disparaissent dans l'eau, réapparaissent en morceaux.
Une vague se forme et tout recommence, comme un refrain.
Todos glaciares
Le Perito Moreno ne nous suffit pas, nous voulons approcher d'autres
monstres, les aborder au fil de l'eau, en bateau sur le lago Argentino (lac
Argentino), sans geler notre budget.
Huit heures, nous embarquons sur un catamaran. Le temps n'est pas au beau,
il est même au mauvais avec des averses soudaines. Le vent violent soulève
des paquets de mer. Il fait très froid et je supporte ma tenue façon "oignon".
Six couches de tissu divers et variés. Viennent en plus : lunettes,
gants, chaussettes, bonnet, capuche, écharpe et poncho de pluie pour
protéger mon reflex.
A la première sortie, la force du vent ôte capuche, bonnet et
lunettes. L'arrimage était insuffisant. A refaire bien serré.
Le temps est parfois si mauvais que l'équipage nous oblige à nous
mettre à l'abri.
Première destination le glacier Upsala.
On le devine au loin quand le ciel se dégage. Le nombre d'icebergs,
hauts comme des maisons, rend toute approche dangereuse. Nous slalomons
entre les blocs de formes et de couleurs inimaginables.
Je passe à l'arrière du bateau. Dans le sillage, l'eau
prend une couleur métallique et la glace au loin n'est plus qu'une
ligne argentée. L'embarcation passe près de glaciers en
train de régresser puis se dirige vers l'étape suivante
: le Spegazzini.
On le distingue à peine. Les yeux se perdent dans un flou blanc-gris.
Seul l'avant d'une hauteur impressionnante est visible.
Comme par enchantement, les nuages se dissipent soudain et l'on peut voir, à mi-pente,
la langue du monstre descendre jusqu'au lac.
Pour combien de temps encore ?
Iceberg du glacier Upsala
Le brouillard revient, il est temps de changer
de cap. Direction Perito Moreno, par la route lacustre cette
fois. Nous l'abordons par la droite. L'eau a creusé des grottes. Vont-elles
supporter longtemps la pression qui s'exerce sur elles ? Le bateau longe
le mur de glace jusqu'au bord gauche. De gros blocs bleu foncé flottent,
là où hier encore, une arche faisait le lien entre le glacier
et l'avancée rocheuse.
Que me reste-t-il après dix heures de navigation passées à l'extérieur
du bateau ? Mes yeux débordent de merveilles. Des étoiles fourmillent
dans ma tête et des photos foisonnent dans mon appareil.
De Calafate à Bariloche, il y a
la fameuse routa 40. Trente-six heures d'autobus. Sinon le grand
détour, plus long et plus rapide.
La route 40 n'offre pas d'intérêt, à mon avis, si l'on ne
prend pas le temps de déguster son parcours.
Elle pourrait être le thème d'un prochain voyage, comme la Panaméricaine.
J'y pense…et je pense à Jack Kerouac.
Une étape repos à Esquel. Finie la nature féroce,
ici tout est "calme et volupté" (Beaudelaire dans "Invitation
au voyage").
Arbres gigantesques, fleurs multicolores, lacs et ruisseaux tranquilles.
Alstroemeria aurea (Lys des Incas)
San
Carlos de Bariloche est une grande ville qui attire beaucoup
de touristes. Les hôtels
sont nombreux. Hôtels de luxe.
La circulation est intense. Les
klaxons cornent, les moteurs vrombissent. Impatience des grandes villes.
Notre auberge se trouve juste en face du principal arrêt de bus.
Nos nuits sont aussi agitées que nos jours.
Après les espaces sans fin, après les déserts de pierre
et de glace qui dégagent une atmosphère semblable à celle
des torrides déserts de sable, je trouve un peu "mou" ce
décor aux "mille" lacs sertis de collines verdoyantes.
On dirait une petite Suisse. Je comprends pourquoi il y a autant d'Helvètes
ici et pourquoi fleurissent les chocolateries. Ils sont arrivés à la
fin du XIXe siècle.
Il y a aussi une communauté importante d'Allemands. Pâtisseries
et restaurants flattent le küchen, en grosses lettres sur les vitrines.
Que dire du Climat ?
Pluie, vent, soleil, brouillard, pluie, vent ....
Un temps à ne pas mettre un chat dehors
Les canards du lac doivent être contents
On ne les voit pas, tout est gris, noyé dans les nuées
L'horizon a disparu
Où finit l'eau, où commence le ciel ?
L'auberge ne désemplit pas
Les randonneurs viennent se mettre à l'abri et au chaud
Les tentes sèchent sur les rampes d'escaliers
Le beau temps devrait revenir dans trois jours
Cerro Campanario
Prends le sentier qui grimpe dans la forêt
La terre est humide et noire
La pente forte
Le vent y secoue les arbres
N'oublie pas, de temps à autre, de te retourner
Les vues sont magnifiques
Et lorsque tu longeras le télésiège
Là où les pierres se rangent en escalier
Tu sauras que le sommet est tout proche
Eole y est déjà qui tente de déshabiller les visiteurs
Et joue dans leurs cheveux
Du belvédère du Cerro Campanario
La vue est libre aux quatre points cardinaux
Les sommets enneigés encerclent les collines verdoyantes
Les Andes sont à portée de mains
Le Tronador à cheval sur la frontière
En bas, îles, presqu'îles, péninsules, isthmes
Mares, bras de mer et lacs à perte de vue.
Mutisia decurrens
Ces lacs et bien d'autres qui permettent de passer les Andes pour atteindre
le Chili. Ce sera pour dans deux jours en attendant allons voir le
Tronador.
Tronador
Tronador, la montagne qui tonne.
Est-ce les glaciers, est-ce le volcan qui créent
tout ce tapage ?
Le site est merveilleux. Glaciers suspendus au bord de falaises vertigineuses.
Ils sont bleutés ou grisâtres et fondent en cascades. L'eau galope
dans les rios jusqu'au lago Mascardi.
L'épaisse forêt laisse passer assez de lumière pour qu'éclosent
en jaune ou rouge certains spécimens végétaux. Des animaux
sont là aussi
Un oiseau à collier blanc, un autre gris beige, un lézard multicolore.
Mais où se cache l'huemul ?
Ce devait être un dernier retour au Chili et le début d'une route vers
le nord du pays. C'était sans compter sur les caprices de la terre...
La Cruce de lagos ou comment traverser les Andes sur l'eau
Du lac Nahuel Huapi au lac Llanquihue
De lac en bus, de bus en lac
Des bus prisonniers de leur parcours
Ils finiront leur vie là où ils l'ont commencée
Jamais ils ne verront d'autres routes que
les quelques kilomètres entre deux embarcadères.
Passages de frontières
Pause à Peulla
Le ciel est lunatique
Bleu à tribord, grisonnant à bâbord
Et l'eau versatile
Du vert émeraude au bleu acier
Anxieuse, je scrute l'horizon
Des écharpes de brouillard flottent au-dessus du lac Lago Todos Santos, le lac de Tous les Saints
Y en aura-t-il un pour essuyer le ciel ?
Et soudain, non ce n'est pas un mirage, dans un coin de ciel bleu,
le
cône du volcan Osorno
Pendant des jours et des jours, je ne l'ai plus lâché des
yeux. Un cône presque parfait avec un bonnet de neige et un lac à ses
pieds. Un Fuji-Yama sud américain. Il se montre partout. A Petrohue,
Puerto Varas, Frutillar, Puerto Octay. A Ensenada, j'ai
voulu le toucher. Un sentier étroit au milieu des scories conduit à mi-pente.
Mais c'est au soir de pleine lune qu'il faut le voir, quand le soleil
couchant empourpre l'horizon et teinte la neige de rose orangé.
Nous avions décidé d'en terminer avec l'Argentine. Rester
au Chili, ralier Santiago puis Valparaiso après quelques jours passés
à Chiloé. La Terre en a décidé autrement, en chamboulant toute une région.
De retour de Chiloé nous avons dû nous séparer. Retour à BsAs pour l'une.
Attendre à Puerto Varas pour l'autre.
Je recule chaque
jour le moment de reprendre mon voyage. Comment penser à se
réjouir quand tout près de soi c'est la désolation
et la souffrance.
Serai-je d'une utilité quelconque ou d'une gêne certaine?
Quel itinéraire
emprunter ? Santiago et Valparaiso ? Mendoza puis Valparaiso ? Chez les
Mapuches
de
Temuco et
Valparaiso
?
Les images et les commentaires, qui passent en boucle sur toutes les télés,
ne
font
qu'accentuer mon indécision jusqu'à briser toute velléité.
Chiloé, la Grande île, est sur une
autre page, voir pied de page
Après une valse-hésitation, le 4 mars, je reprends
la route, vers l'Argentine.
San Martin de Los Andes.
Quelle route ! Succession de lacs et de rivières, franchissements
de cols, montagnes escarpées
couvertes d'épaisses forêts. San Martin finit sa journée sous un soleil éclatant, au
bord du lago Lacar qui lui sert de miroir.
Les vacances sont terminées, les larges avenues sont vides, les terrasses
des cafés désertes, la plage abandonnée aux chiens.
Je ne suis pas venue chercher la ville. C'est triste une ville touristique
sans
touristes.
Demain matin, j'irai à Junin, m'aventurer dans le parc Lanin,
au plus près du volcan éponyme.
Lago Lacar
Junin de Los Andes
Il fait encore
nuit quand je quitte l'auberge de San Martin. L'unique bus pour Junin part à l'aube.
Il ne faut pas rater la correspondance pour le parc national. Ni rater
le premier rayon de soleil sur la calotte neigeuse du Lanin. Un rêve
en rose.
Après la route, la piste. Elle s'élève dans la Cordillère,
au-dessus des araucarias centenaires, puis traverse la puna,
une végétation
rase d'herbe roussie où la vie semble absente. Un paysage de bout
du monde. La vue porte à l'infini dans l'air d'une transparence
inouïe. Ni pollution, ni trace d'humidité.
Passé les sommets, la piste retrouve la forêt. Des lacs scintillent
entre les branches. Le volcan lance des clins d'œil éblouissants
de lumière blanche.
Volcan Lanin et urubus dans le ciel
Parque
Nacional Lanin
Quelque chose a changé ici à Junin.
Ces jeunes filles qui montent dans le bus ont la peau sombre et les cheveux
très noirs. Bien qu'elles soient vêtues du costume international
: jean's-t-shirt, on devine que du sang indien coule dans leurs veines. Elles
travaillent au parc Lanin, géré par la communauté Mapuche.
La dame qui entretient l'accueil au parc est une Mapuche plus traditionnelle.
Ses longs cheveux sont tressés en deux nattes qui encadrent son large
visage. Sa peau est cuivrée, ses yeux en amande. Elle porte des jupons
longs et colorés. Elle m'a bien montré les différences
entre elle et moi !
Ses yeux se sont éclairés quand elle m'a parlé de la guerre
gagnée contre une autre tribu indienne.
Voilà que je trouve le dépaysement humain qui me manquait depuis
mon arrivée en Amérique du Sud.
Le Lanin entre Argentine et Chili
8 mars, sept heures du matin, je retourne au Chili.
La route qui mène à Pucon à travers les Andes est émouvante
de beauté. Lanin est toujours là. Il rivalise de couleur avec les
roches rouges qui s'embrasent quand le soleil jaillit à l'horizon. Il
pointe entre les araucarias, se dissimule sous des voiles de brume, s'efface
derrière de gros nuages noirs.
Au Paso Tromen, le froid nous saisit à la descente du bus. On se serait
bien passé d'aller montrer patte blanche aux douaniers du poste
Mamuil Mala.
Volcan Lanin et la forêt d'araucarias à la frontière du paso Tromen
Me voilà transformée en groupie. Je cours après
les sosies. Oh, pas ceux de Johnny ou de Cloclo, ni celui de George Clooney.
Mes sosies sont minéraux et n'ont pas la mine de héros ou alors
de héros maléfiques comme celui qui se dresse ici au-dessus de
Pucon. Villarrica c'est son nom.
Zigzaguer entre Argentine et Chili, à travers
la Cordillère
des Andes est un vrai plaisir. Paysages grandioses où pointent
les sommets des volcans. Chapelet de perles blanches ou rosées
selon la place du soleil dans le ciel. Après
avoir vu le joli cône de l'Osorno, je ne pouvais m'empêcher
de découvrir
les autres. Le Lanin à Junin. Ici c'est le Villarrica.
J'avais
dans l'espoir de grimper jusqu'au bord de son cratère, renouveler
l'expérience de l'Erta Ale en Ethiopie, voir bouillir la lave
au fond de la cheminée. L'ascension est facile dit-on. Hélas,
l'intense activité sismique de ces derniers jours en interdit
l'accès.
Je n'aurai de cesse de traquer ce sommet que je vois fumer. Jusqu'à l'obsession.
Aujourd'hui, le vent a tourné, la fumée se dissipe dans l'autre
sens. Il n'en est pas moins beau pour autant. Cet enfant terrible a ma
préférence.
Du matin au soir, le Villarica à Pucon
Pucon
Mon auberge est située rue Colo Colo, du nom d'un chef mapuche
qui a mené la vie dure à l'envahisseur espagnol.
On dirait un hôtel 5 étoiles reconverti en auberge de jeunesse.
Nous ne sommes que trois. Le couple de Canadiens est parti ce matin.
Pucon est une jolie petite ville au bord du lac Villarica. Les vacances finies,
elle s'est vidée de ses estivants. Les magasins bradent la marchandise,
les glaces même sont en solde. Il serait dommage de s'en priver. Elles
sont délicieuses et énormes. Je refuse celles qui sont trop colorées.
On me regarde avec des yeux démesurés.
Le Villarrica
Dans les rues de la ville, des panneaux indiquent la direction à suivre
pour accéder au plus vite à une zone sécurisée
en cas d'éruption.
Est-ce que je risque de rencontrer une coulée de lave en remontant le
cours du Rio Turbio ?
Je commence la balade en dévorant d'énormes mûres juteuses
et sucrées. Il n'y a qu'à tendre les bras pour les cueillir.
Ensuite c'est la forêt, un sentier montant, quelques clairières,
une barrière que je pousse, un petit pont de bois sur le torrent d'eau
cristalline qui reflète le ciel d'un bleu profond. Des sommets bouchent
la vue. Je tourne et contourne. Je distingue un filet de neige puis un léger
nuage de beau temps.Le sentier grimpe toujours. Une fenêtre s'ouvre entre
deux falaises et je le vois, là, cracher dans le plus pur silence son
panache de fumée. C'est lui que je traquais depuis ce matin. Mon bonheur
au bout de quatre heures de marche. A ce soir !
Le rendez-vous du soir, c'est au port. "Les amoureux se bécotent
sur les bancs publics" sous le regard de bois des deux statues mapuches.
Les enfants viennent taquiner canards et poules d'eau, sous l'œil vigilant
de leurs parents. Les touristes, l'œil vissé sur l'objectif, attendent
le moment propice. Je suis là aussi. Ce soir la neige est rouge.