Le DIAPORAMA viendra plus tard, à la
place j'ai mis une petite VIDEO de
la Caleta el Membrillo CLIC !
La nuit est longue de Pucon à Santiago, de nombreuses déviations
ont été mises en place. La route est par endroits défoncée.
Des ponts provisoires remplacent ceux qui n'ont pas résisté au
tremblement de terre.
Santiago
Première colonie du Chili. C'était en 1541
J'arrive à Santiago moins de deux semaines après le séisme.
A peine entrée dans le dortoir de l'auberge, les meubles, puis le
sol se mettent à trembler, un bruit s'élève. Qui donc court ainsi
sur les lattes du plancher ? me dis-je. Et soudain "Terremoto",
ce mot que je viens d'apprendre me traverse l'esprit. Ce n'est qu'une réplique,
mon premier tremblement de terre.
Chimba, c'est mon auberge, une ancienne
maison
du barrio Bellavista.
La façade est colorée comme beaucoup de façades du
quartier.
J'aime ce secteur de l'autre côté de la "rivière
boueuse", le Rio Mapocho. "De l'autre côté" en
quechua se dit "chimba". Je comprends maintenant.
Calme le jour, animé quand vient le soir, les terrasses des bistrots
s'étalent sur les trottoirs et regorgent de jeunes. Quartier à la
mode comme la musique qui se déverse sur le bruit des moteurs.
Dix jours après le séisme, la vie a repris. Insouciance,
fatalisme ou simple habitude des secousses telluriques ?
Rien ne subsiste
de l'horreur. Parfois un ruban rouge et blanc oblige à un détour.
Là-haut, une corniche menace de tomber. Ici un pan de mur est soutenu
par des étais.
Si le centre ville a été relativement épargné, de
la banlieue, il ne reste que des tas de gravats. Les maisons en planches se sont écroulées
comme châteaux de cartes. Du pas grand-chose, il ne reste plus rien.
J'aime marcher dans les villes. Aujourd'hui, je laisse de côté les églises.
Je visite l'ancienne gare Mapocho devenue centre culturel. Sous l'immense
structure métallique, "Jungle Spirit", l'exposition
photos de Jorge Camilo Valenzuela.
Je flâne de longues heures dans le musée d'art précolombien,
en suivant la grande fresque des hommes, du Mexique à la Terre de
Feu.
Je n'irai pas promener dans les jardins du Cerro Santa Lucia, fermés depuis
le séisme. J'irai à la Chascona, la maison de Pablo Neruda. Elle
est à dix minutes, à pied de la Chimba.
Les Chemamulls, statues funéraires des Indiens
Mapuches. Bien plus grandes que moi.
La Chascona accrochée au Cerro San
Cristobal
Des murs bleus comme le Pacifique pour cette maison bateau
Noyée dans un océan de verdure
La Chascona, c'est Matilde Urrutia
" Yo te llamo chascona mía y enmarañada" a écrit
Neruda
dans un de ses poèmes d'amour
La Sébastiana s'ouvre sur l'océan
Bleue comme le ciel et l'eau, marron comme la terre
Comment ne pas écrire de beaux vers
Rêver tant de voyages, puiser les mots d'amour
Quand son bureau domine toute une ville
Son port et l'infini de l'océan
A l'Isla Negra est l'autre maison-bateau
Invitation au voyage
Voyage de l'esprit
Sur les vagues qui viennent et qui vont
Le flux bat les rochers qui partagent la plage avec le sable blond
Il fait bon rêver sur la grève ensoleillée
Enveloppée dans cette brume d'embruns poussée par le vent du
large
En humant les parfums venus d'îles lointaines
En arrivant à Valparaiso, deux semaines après le séisme,
je craignais de trouver des décombres, des infrastructures anéanties,
des gens écrasés par le malheur. Comme à Santiago, j'ai
rencontré la vie, des visages souriants, des habitants accueillants
et chaleureux. J'ai vu la fête le soir, les terrasses des cafés
animées…
Par un pur hasard, ici aussi, je loge près de la maison de Pablo Neruda.
De la villa Antonieta à la Sébastiana, il n'y a que quelques
pas et quelques mètres de dénivelée.
La villa Antonieta est une maison du début du XXe siècle, classée
monument historique. Elle est belle mais meurtrie par les tremblements de terre. "Elle
ne supportera pas le prochain terremoto", me dit la gérante.
Je suis restée une semaine à Valparaiso. Mais attention, si vous montez
trop haut dans les collines, les gens, en effectuant un signe significatif
du pouce
sur
le cou, vous inciteront à redescendre. Sinon, la police vous ramènera
de gré ou de force au niveau de la mer ! Mais oui ! Ca se passe ainsi
pour les touristes !
On se sent bien
petit à côté du grand poète
Valparaiso
Dès le premier coup d'œil j'ai vu les couleurs et le malheur
J'ai deviné la douleur, imaginé le labeur
Dès les premiers pas j'ai senti les odeurs
Celles qui soulèvent le cœur
Pisse et excréments des troupeaux de chiens errants
Déçue ?
Dès le lendemain j'ai pensé que je ne pouvais pas ne pas aimer
Valparaiso
Ruelles et escaliers
Grimper dévaler
Entre les maisons serrées les unes contre les autres
Les unes sur les autres
Valparaiso est comme un château de cartes
Plusieurs châteaux accrochés tant bien que mal sur le flanc des
Cerros
Aujourd'hui, l'édifice est blessé, froissé, des pans sont
effondrés
Certaines ailes trop vieilles et trop fragiles n'ont pas résisté au
nouveau caprice de la Terre
Ce 27 février 2010
Le cimetière est éventré
Des tombes sont tombées emportées avec le mur d'enceinte
En bas du promontoire
Mais qu'attendent ces bateaux endormis dans le port ?
Que Valparaiso tombe dans l'eau ?
Demain matin l'activité reprendra
Les grosses grues bleu marine hisseront leurs charges
Au bout de leurs crochets
Les cornes des cargos sonneront le départ
Les sillages réveilleront l'eau qui dort
Non Valpo n'est pas morte, même
pas moribonde
La ville a repris son ardeur
Les Porteños sont à l'oeuvre
Dans les rues résonnent les outils
Pioches, pelles, scies, marteaux travaillent en choeur
Ici on comble une fissure
Là on soude des barres métalliques
On consolide une façade
On rafistole un escalier, un toit
Un coup de peinture
Camoufler les dégâts
Pour oublier
Jusqu'à la prochaine blessure
Le linge flotte aux fenêtres
Les fleurs s'épanouissent
Un moulin d'enfant tourne au vent de l'océan
Un air de tango ou de salsa s'échappe d'une ouverture aux vitres brisées
Les enfants, grands et petits en uniforme impeccable
Sac au dos sur le chemin de l'école
La camionnette de gaz grimpe dans les
ruelles,
La baguette du livreur tinte sur les cylindres d'acier
Le ramasseur de plastique et de bouteilles réclame haut et fort son
butin
A chaque habitant, devant chaque porte
Les ascenseurs vertigineux montent et descendent,
Se croisent le long des rails aériens fortement inclinés
Les mini bus dévalent les rues
Les camions poussifs tentent de les gravir
Les chiens manifestent sur mon passage
Ceux qui gardent les lieux et ceux qui cherchent un maître
Les trottoirs sont toujours bien garnis et nauséabonds
Puis soudain dans cette odeur à soulever le cœur
Un parfum de jasmin
Et dans les herbes folles des fenouils qui s'expriment
Les murs aussi s'expriment
En silence, en couleur
Dessins, peintures, pochoirs, tags
Les murs racontent, les murs crient, murmurent, sourient
Musée à ciel ouvert
Un ciel où se mêlent et s'entremêlent
Les fils électriques, les fils de téléphone
Des pelotes de fils, des écheveaux de fils
Les perruches viennent s'y reposer entre deux vols bruyants
Les hirondelles s'y rassemblent avant le grand voyage vers un été ailleurs
Valparaiso ville folle, le poète l'a dit, lui
qui y vécut
" VALPARAISO,
qué disparate eres,
qué loco, puerto loco," (Pablo Neruda)
Valparaiso ville folle
Ville pieuvre qui déploie ses tentacules sur chaque colline dans la plus
grande anarchie
Dans une débauche de tôles rouillées, de planches peintes
De pavés luisants de tant de semelles passées
D'escaliers aux marches rongées par le temps
De papiers abandonnés, de dépôts d'ordures improvisés
Valparaiso, théâtre ouvert sur l'océan
Valparaiso embrasse l'océan
Ville qu'on pourrait croire à la dérive mais qui reste bien ancrée
sur cette Terre qui lui joue parfois de si mauvais tours.
Grosse station balnéaire à quelques minutes d'autobus de Valparaiso.
La Côte d'Azur ou Biarritz transposée au Chili. J'ai un rendez-vous
que je ne manquerai sous aucun prétexte. Des amis retrouvés. Les "petits" ont
grandi, la vie a tourné, bonheur de se revoir.
On s'est donné rendez-vous à "Le café journal".
Un bar style Montmartre de la belle époque. Les murs sont couverts d'affiches
du vieux Paris. Aristide Bruant dans son cabaret. Le rhum est Négrita
et la bière Cristal. Une pub de Perrier. La reine de joie de Victor Joze…
Une invitation pour "La Marcha el 15 por la vida y la libertad des pueblo"
Mais où est le Che, parmi ces coupures de journaux qui tapissent les murs
et les piliers de ce bistrot
La caleta n'est pas vraiment un port.
Ici chaque jour une grue met les barques à l'eau.
J'arrive trop tard pour voir le retour des pêcheurs. Les barques sont
déjà hissées sur le quai.
Entourées d'une armada d'oiseaux, les femmes nettoient le poisson.
Pélicans gris, Mouettes, Goélands, Cormorans se disputent les
déchets.
Il y a aussi un unique oiseau que je n'avais encore jamais
vu
Il est gris moyen, anthracite sur la tête
Une ligne blanche arquée court sous l'œil et se termine
par une plume flottante
Il a une tache jaune sur la joue
Son long bec et ses pattes palmées sont rouges
Il a du blanc au bout des ailes
Des reflets roux chatoient entre les zébrures noires de sa queue
Il se tient à l'écart. Immobile.
Soudain en réponse aux sifflements d'un garçon,
il surgit en poussant des cris aigus, saisit au vol sa récompense
et s'en retourne, vif comme une flèche se mettre à l'abri
sous le ponton.
Je connais aujourd'hui son nom : sterne inca (Larosterna inca)
Caleta el Membrillo
Un lion de mer tournoie dans le port
Espérant dévorer un de ces poissons rejetés à la
mer
Moi aussi j'ai faim. Un restaurant propose du poisson frais.
A la fin du repas
un convive m'aborde (c'est ça le Chili). Moitié en espagnol,
moitié en anglais - je ne sais plus sur quelle langue parler - je réponds
aux questions.
Il me conseille, sur le chemin du nord, de m'arrêter dans la Vallée
de l'Elqui. A Vicuña exactement, le village natal de la célèbre
Gabriela Mistral. " Poetisa", écrit-il sur mon carnet.
Et Prix Nobel de littérature, comme Pablo Neruda.
Hélas, mon bus est déjà réservé
Demain d'une seule traite de 22 heures sur la Panaméricaine je quitterai
Valparaiso pour Calama
De Calama à San Pedro de Atacama il n'y a qu'un tour et demi de cadran.