Les chutes d'Iguazu (ou d'Iguaçu selon le pays qui borde les cataractes)
Mille trois cents kilomètres au nord
Premier long trajet de nuit en autobus
La route est longue qui mène à la frontière des
trois pays
Argentine, Brésil, Paraguay
Je n'arrive pas à trouver le sommeil et quand j'y parviens, je
le perds aussitôt.
Le bus est pourtant confortable, semi-cama (1/2 lit), à demi allongée.
J'envie les passagers abandonnés dans les bras de Morphée.
Au bout de dix-huit heures de trajet, le matin nous réveille.
Il fait déjà chaud.
Ce fleuve gigantesque propulse ses eaux dans une faille gargantuesque.
La terre s'est ouverte pour se gargariser d'eau fraîche
qu'elle recrache avec un bruit d'enfer
en nuages d'embruns d'où l'on ressort lessivés.
Le tumulte est tel qu'on ne s'entend pas parler
que dire devant ce spectacle grandiose ?
On se tait, ébahis. Les mots viendront plus tard.
Côté argentin ou côté brésilien
l'émotion est à son comble.
Ici tout est Violence Puissance Vacarme
Ici tout est Douceur Légèreté Silence
Une foultitude de papillons
Ils sont jaunes, verts, bleus, orangés
Ils ont de longues pattes et une trompe démesurée
Il y a des gros, des petits avec des taches sur les ailes ou des
arabesques
Et tous viennent goûter la sueur qui perle sur nos bras
Moins nombreux que les papillons, il y a les lézards,
certains énormes comme ce tégu noir et blanc (Tupinambis merianae).
Un pas, il tire la langue, un pas il la rentre
Une énorme langue rose et fourchue.
Il y a aussi les coatis, à ne pas confondre
avec des lémuriens.
Ces petits mammifères, à la longue queue rayée,
sont bien moins sympathiques.
Pas sympathiques du tout.
Ils ne pensent qu'à chaparder la nourriture
jusque dans les sacs et sur les tables des restaurants.
On pense tout de suite à "Mission", le film de Rolland
Joffé.
Je me suis arrêtée deux jours à San Ignacio.
Ce village peu touristique est au cœur des missions jésuites.
Au cœur du pays des Indiens Guaranis. Ce pays n'existe plus. Depuis
longtemps, les hommes ont tracé des pointillés sur une
carte. Ils ont inventé le Paraguay, l'Argentine et le Brésil.
L'Histoire raconte comment les Jésuites ont œuvré dans
le respect de la culture et des traditions indiennes. Tolérer,
ne pas imposer, construire ensemble. Ceci allait à l'encontre
de l'encomienda (système de la conquête du Nouveau
Monde par les Espagnols).
Les colonisateurs espagnols ont expulsé la Compagnie de Jésus.
Les missions furent peu à peu détruites.
J'ai visité San Ignacio Mini, la mission la mieux conservée
et en partie restaurée.
Là, vivaient en bonne intelligence Indiens Guaranis et religieux
espagnols.
Viviendas : maisons des Indiens Guaranis
Cotiguazu : maison des veuves
Cabildo : conseil des caciques (autorité suprême)
Caciques : chefs guaranis
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Chacun sa maison
La vivienda grande bâtisse pour une famille autochtone tout entière
Les maisons des caciques
Celle du cabildo
Celles des jésuites
Celle des veuves
Chacun son lieu de travail
Ateliers du bois et de la pierre
Jardin
Le colegio où les Guaranis étudiaient, dans leur langue,
les Ecritures, la musique et le chant
Au fond de la place se dressent les pans rouges et sculptés
de la façade de l'église. Des pierres numérotées
attendent de retrouver leur place sur les murs grignotés par
les ans et les pillages.
A gauche de l'église, il y a le cloître et les habitations
des Jésuites.
A droite de l'église, le cimetière des Indiens et la maison
des veufs.
San Ignacio, un lieu où il fait bon déambuler.
Santa Ana
De Santa Ana, il ne reste que peu de choses.
Comment se repérer dans la "ruina", comme l'appellent
les habitants ? Il y a bien quelques panneaux.…
" El caminito" (le petit chemin) m'indique un ouvrier au repos.
Puis il quitte sa chaise et l'ombre pour m'accompagner.
Je marche au hasard dans les hautes herbes, me fraie un chemin entre
les buissons, grimpe sur une butte.
J'observe les évolutions d'un couple d'oiseaux criards et je découvre
un bassin.
Plus loin, quelques jolies marches arrondies conduisent nulle part.
Plus loin encore, le cimetière et ses tombeaux gardés par
d'énormes guêpes agressives.
Talleres : ateliers
Huerto : jardin
Cotiguazu : maison des veuves
Viviendas (maisons des Indiens Guaranis)
Nuestra Señora de Loreto
A Loreto, sans guide, il aurait été difficile d'imaginer
la mission. Ici plus que les ruines, l'environnement est surprenant.
On se trouve en pleine jungle. Végétation tropicale aux
larges feuilles.
Les philodendrons grimpent sur les arbres, les ficus lancent leurs racines étrangleuses
sur leurs congénères, et n'hésitent pas, dans leur
excès de grandeur, d'envelopper des pans de murs, vieux de quatre
cents ans.
Dans ce décor exubérant, assourdi par les stridulations
des cigales nouvellement nées et dont les chrysalides restent
accrochées sur l'écorce des troncs, on avance en tentant
d'éviter les toiles d'araignées. Véritables barrières
tissées entre les arbres immenses avec des arachnides démesurés.
Quittons ces pièges poisseux. Fuyons les minuscules
fourmis friandes de chair humaine et les grosses, longues de trois centimètres.
Véritables mastodontes qui errent solitaires entre les herbes. Fuyons
les grosses mouches qui cherchent un nid sous notre peau. Et les moustiques.
Et les guêpes à la piqûre très douloureuse.
Fuyons !
Ce soir, je m'attarde dans les rues du village.Près
de la place, joueurs de bidons, tambours et tambourins s'entraînent.
Le rythme est effréné.
Bientôt le carnaval.
Posadas, capitale de la province de
Misiones à la frontière du Paraguay
La Banca de la Nacion Argentina
Il ne faut pas être pressé quand
on veut quelques sous. Des pesos. Pour changer des espèces on
patiente, en espérant
que la banque acceptera vos euros. Sinon, on retourne au bout de cette
file d'attente qui s'étire dans la rue sur plusieurs mètres
avant d'atteindre le distributeur. Ensuite il faut garder son sang froid
devant
un écran dont on ne maîtrise pas le langage. Mais, comme on
aura engagé la conversation avec une aimable Argentine (c'est monnaie
courante en Amérique du sud), on l'invitera à venir vous
aider. Ce qu'elle fera avec force sourire et vous quittera après
une abrazo (embrassade)
Oublions les désagréments
de la banque. Oublions la mauvaise blague, la mauvaise fois ou l'erreur
du conducteur de bus qui m'a déposée à l'opposé de
l'auberge.
Grâce à cette mésaventure, j'ai à nouveau
apprécié l'amabilité des Argentins. Toute une famille
réunie dans le jardin pour voir cette étrangère,
la Française qui cherche son chemin !
Ils veulent tout savoir : Como te llamas ? Donde vives ? Te gusta
Argentina ? Eres sola ?…
Le maté circule, j'avale une gorgée avec une pensée
pour la grippe A qui menace le monde.
On consulte la carte, on cherche l'adresse, on téléphone
et on se quitte comme de vieux amis. Mes joues portent encore la chaleur
des besitos.
Oublions les désagréments, allons
flâner le long du
Paraña. En face il y a le Paraguay. Un pont suspendu relie les
deux pays. Les haubans brillent de tout leur blanc dans le soleil couchant.
A l'auberge, surprise, je retrouve Karla et Inès de retour de
Puerto Iguazu. Ce soir nous allons manger sur la Costanera (promenade
au bord de l'eau), devant les eaux du fleuve,
où les lumières de Posadas se mêlent à celles
d'Incarnacion, sa voisine paraguayenne. Il a aussi Noelia, sa sœur
et leur ami. Un groupe très cosmopolite. Argentino-franco-germanique,
dans un restaurant arabe.
Les statues de Posadas
Le grand libérateur est là sur son cheval fougueux. San
Martin le bien nommé.
Je marche au hasard, je me perds.
Je suis le Camino d'El Mensu qui serpente
dans le vieux quartier de la ville.
C'est là que je le croise.
El
Mensu, sa guitare à la main.
Que fixe-t-il, au loin, du haut de son piédestal, ce poète,
musicien, chanteur ?
L ‘Argentine est fière de ses enfants.