Fuir la chaleur, partir dans les montagnes, aller dans
le Mondolkiri, une des régions les plus reculées du pays.
Deux habitants au km2 ! Le vent y soulève la poussière,
apporte un peu de fraîcheur.

Sen Monorom, sympathique petite ville. Il n'y a pas si
longtemps que la route goudronnée arrive ici. Déjà des
hôtels poussent
comme des champignons. Les touristes vont arriver en masse. En attendant
profitons du calme. Dès la descente du bus, je suis "accaparé" par
un guide mais sans harcèlement. Il parle français, m'indique
l'hôtel que j'ai choisi et de paroles en silence nous décidons
d'un tour pour le lendemain.
Moyen de locomotion : la moto. Ça commence à faire
pour une personne qui n'en avait fait qu'une seule fois auparavant. Motos
et
4x4 sont les seuls
moyens pour se
déplacer, pour aller loin, là où les
pieds ont besoin de plusieurs journées. C'est qu'il y a beaucoup
de choses à voir
: cascades, forêts, plantations de café, de poivre, de manioc,
les minorités ethniques, la faune...

Je n'ai pas eu le loisir
d'approcher la faune sauvage en grande partie décimée par
30 ans de guerre. Les Khmers rouges réquisitionnaient des chasseurs
pour tuer les animaux afin de nourrir les soldats. Les seuls boeufs sauvages
que j'ai
vus pour l'instant trônent
sur le rond-point qui jouxte la piste d'atterrissage, long cordon de
terre
rouge
en bordure
de la
petite
ville. Quant à la
flore, j'ai trouvé dans
la jungle des plantes jusque là inconnues à mes yeux.
Hélas, en cette saison la mer d'émeraude est brouillée
d'arbres sans feuilles.
8 heures du matin, nous voilà partis. 8 mars 2011 journée
mondiale de la femme. Dans les villages traditionnels, loin de
la civilisation, la
vie
reste
inchangée.
Même la
langue. Le peuple Phong ne comprend pas le Khmers, les Khmers ne les
comprennent pas. Et moi donc
au milieu ? Je dis “sus dey”, “aw kohn”. Ils
semblent connaître ce bonjour et ce merci. Les enfants grimpés
sur un arbre mangent les” fruits de lait”, une sorte de petite
pomme. Une femme vide une jarre emplie d'un mélange
de riz et de manioc fermentés. Le vin sera-t-il bon ? Les cochons,
quant à eux,
apprécient ce festin. Je crois comprendre pourquoi ici les porcs
sont noirs :-))) Au pied de son arbre, l'éléphant poursuit
ses facéties.
Les femmes s'épouillent, un vieil homme est accroupi, silencieux,
immobile devant la hutte familiale dans laquelle un autre homme surveille
la marmite qui
bout. La case est une unique pièce tout en longueur. Le sol est
en terre battue. Une mezzanine sert de grenier. Les ustensiles de cuisine
et les jarres
sont alignés sur de larges “estrades” en bambou qui
deviennent lit la nuit venue. Une porte à chaque extrémité assure
la ventilation. Il y fait bon en toutes saisons, m'assure mon guide qui
parle un
français presque parfait. Ces cases, qui peuvent nous sembler
précaires,
ont la préférence des Phongs qui délaissent les
grandes maisons en bois, sur pilotis que le gouvernement leur a construit.
Ça me rappelle
certains coins d'Indonésie.
 
La
journée de la femme, ignorée par les uns, est fêtée à la
chute de Bou Sraa. Je m'y trouve par hasard. Pour l'occasion
hommes, femmes, enfants ont revêtu
le costume traditionnel. Il y a foule sur le replat qui sépare
les deux parties de la chute. Les nattes recouvrent le sol, le pique-nique
est déballé.
Chacun joue les ancêtres. Les flasches crépitent. Belle
journée
en perspective.
Ma journée a été belle aussi.
L'endroit est majestueux, après une première chute et un
replat, la rivière plonge à la verticale dans la jungle.
J'emprunte un escalier vertigineux et glissant, entre des arbres dont
je ne vois pas la cime, pour atteindre le pied de la cascade 30 mètres
plus bas.
Demain nouvelle expédition, randonnée de deux jours à travers
la campagne.
Le Mondolkiri, ses éléphants, ses forêts,
ses cascades, ses villages ventés disséminés sur
les crêtes,
où les gens vivent dans des conditions difficilement imaginables
de nos jours.
Nous étions
quatre, cinq avec notre accompagnateur à crapahuter et découvrir
la jungle sèche à cette époque. Le soir nous avons été hébergés
dans une famille de huit enfants. Les tout-petits ne portent qu'un T-shirt
ou une robe, pas de couches ici.
Très tôt ils prennent conscience de leurs besoins. La
fille aînée, 15 ans à peine, mène
la maison. La maman allaite
le nouveau-né et
occasionnellement les deux précédents
bien jeunes encore. La jeune fille est la première
debout au petit matin. Sans bruit elle allume le feu. Dehors, il fait
encore
nuit.
On
ne l'entend
guère parler sauf pour donner des ordres à ses frères
et soeurs qui lui obéissent sans rechigner.
Est-ce pour le mariage
de cette fille que les parents sont partis marchander une bête
? Ils sont rentrés à la tombée de la nuit, sur une moto avec leurs
trois plus jeunes enfants.
Soirée exceptionnelle dans la
case en planche au toit de paille et sol en terre battue où cochons,
poules, canards, chats et chiens entrent et sortent à leur
gré. La nuit est faite de bruit divers.
Nous avons partagé un repas délicieux aux produits frais,
entièrement
naturels (moelle de jeunes tiges de rotin récoltées dans
la jungle et aubergines cuites dans un bambou posé dans le feu),
poissons fris capturés à la
main par les enfants, riz bien sûr, légumes et bouts de
viande rapidement rissolés dans le wok et mijotés dans
la marmite. Le tout arrosé de
ce vin de riz et manioc fermentés. Ce n'est pas fort en alcool
et assez sucré.
Personne n'a chuté en descendant de la table. Oui, on descend
de la table : une estrade où l'on mange assis en tailleur autour
d'une natte, qui a servi de table de cuisine et qui servira de lit pour
la nuit. Nous, nous avons dormi
dans les hamacs. Une nuit plutôt froide. Le vent fort s'est invité à travers
les planches disjointes. L'ensemble de la famille, dans son coin "douillet" a
senti la fraîcheur.
Des voisins sont venus voir les étrangers. L'un d'eux a connu
la colonisation et la période Khmers rouges. Les fillettes avaient
mis leurs plus beaux habits. Hélas, même les plus belles
couleurs prennent vite la teinte ocrée de la terre.
Les jeunes enfants jouent avec rien. Les plus jeunes cramponnés
sur des jerricans en plastique, aplatis, se laissent tirer à toute
allure par les plus grands sur la piste poussiéreuse. De temps à autre
un carambolage, un retournement. On se frotte la tête, on rit et
on repart. Un des petits très effrayé par ces étranges étrangers
tout blancs s'accroche à sa
soeur pas plus haute que trois pommes et déjà très
attentive à son
petit frère. Elle l'installe sur son dos et l'emmène plus
loin.
Une petite bouteille d'eau, 4 rondelles de liège, deux tiges de bois et
voilà une voiture qui roule.
Les grands, filles et garçons, vont un peu à l'école
et participent aux travaux de la maison : lessive près du puits,
pêche
dans la rivière, corvée d'eau et de bois... Ici pas d'électricité,
juste un feu de bois dans un coin de l'unique pièce. La fumée
pique les yeux et fait tousser avant de s'échapper à travers
la paille du toit. Derrière la maison, le potager. Oignons, tomates,
basilic, épinards croissent dans un bac de tôle monté sur
pilotis, à l'abri des porcs, des poules, des canards, des vaches, des
moutons qui
viennent et vont en liberté cherchant une maigre pitance sur ce
plateau balayé par le vent.
Le lendemain nous avons rendez-vous avec les éléphants.
Quelle aventure! Le palanquin est bien inconfortable, le sentier est
si pentu par endroit qu'on s'attend à tous moments à être
projeté par-dessus
la tête
de la bête ou expédié dans le précipice. Le cornac a bien du
mal à se
faire obéir
de cette jeune éléphante
rétive guidée par les appétissants bambous et autres
lianes qui lui tendent leurs feuilles tendres.
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