|
|||||
|
|||||
|
|||||
.
Quatre poteries noires (aflala) d'une maison harari Mission catholique Ancienne banque d'Egypte |
Enfin, la rue de la Paix et de la Querelle, si étroite qu'une seule personne passe à peine. Surpoids et large d'épaules s'abstenir. A quelques pas de là je ne résiste pas à l'envie de repasser par la rue Makina gigir (rue des tailleurs) pour voir ses jolies maisons à étage et balcons en bois, pour écouter le cliquetis des antiques machines à pédales, actionnés par ces hommes qui cousent installés devant leur échoppe, indifférents aux passants qui passent. Le soir approche, un dernier tour de remparts, hors les murs cette fois. La lumière rasante de cette fin d'après-midi habille les pierres en ocre et rose, dévoile des trous. C'est par là que les hyènes entraient autrefois dans la ville et la débarrassaient de ses détritus. Maintenant les carnassiers n'errent plus la nuit venue à l'intérieur des murs, ils sont si bien nourris par quelques hommes, souvent des forgerons. Une tradition séculaire, un spectacle étonnant. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, ce n'est pas une exhibition pour touristes (il y a si peu de touristes dans cette zone sensible à quelques encablures de la Somalie). Mais chut, Yussuf Mumé Salih se met en condition : il khate à demi allongé sur une banquette de la gidir gar (pièce très décorée d'une maison harari). Il mâche les feuilles vertes euphorisantes, avale une gorgée d'eau.... Dans quelques minutes, il ira nourrir ses bêtes. Un seau dans une main, un bidon dans l'autre, il va s'installer sur une pierre à l'écart de la maison, au milieu d'un espace vide, faiblement éclairé. Yusuf appelle... attend... appelle. Au bout de quelques minutes, des yeux brillent dans la nuit, comme de minuscules lumignons. Deux par deux la clarté approche, on devine les animaux, leur robe tachetée. Il en vient trois, quatre... Yusuf crie leur nom. Il tient au bout d'un bâton, un gros morceau de viande. C'est la plus grosse des hyènes qui commence. Prudemment puis prestement, elle vient gober le morceau et se retire aussitôt dans la nuit. On ne voit que ses yeux. Déjà Yusuf a pris un autre morceau dans le seau. Cette fois, le bâton est entre ses dents. Un animal se précipite et arrache le bout de viande. Le flash de l'appareil photo impressionne les bêtes mais la faim est plus forte. Combien de
temps va durer ce festin ? |
||||
|
Cet autre chemin mène dans le Dakhata (vallée
des merveilles), une gorge qui présente de part et d'autre de
la piste des entassements intéressants de roches. Equilibres aléatoires,
constructions de titans. Tout irait pour le mieux si des camions fous ne venaient perturber le lieu. Ils surgissent à tombeau ouvert sur la piste. Klaxon enfoncé, rien ne les arrête, ni les piétons, ni les dromadaires et c'est dans un nuage de poussière qu'ils disparaissent avec leur cargaison de khat à livrer de toute urgence avant qu'il ne sèche ou avant l'arrivée d'autres vendeurs sur le marché. Le khat, calamité ? folie ? Tout le monde khate ici (prononcez tchate). Les yeux se troublent, regards absents des fins de journée. Les pentes des montagnes, même les plus raides, se couvrent de plantation de ces arbustes aux dépens de la culture du café. |
||||
Taxi |
|
||||
![]() Quisqualis indica, Combretaceae |
De Diré Dawa à Awash, il n'y a qu'un changement de gare. Et c'est l'ancien buffet de la "gare d'Aouache" transformé en hôtel qui servira de gîte étape. Ce bâtiment de 1908 offre de vastes chambres. Hauts plafonds, grande salle de bain avec baignoire monumentale sur pattes de lion pour cette chambre qui donne sur le jardin où s'épanouissent jasmins rouges, hibiscus et autres plantes exotiques. Awash n'est qu'à 900 m d'altitude, il fait chaud, les moustiques rôdent, le paludisme avec. Moustiquaire et ventilateur ne sont pas du luxe. |
||||
"Le parc d'Awash n'est pas réputé,
on voit peu d'animaux" ont dit de précédents visiteurs. Aux abords des chutes de la rivière Awash, des colonies de singes, dont le babouin doguera (papio-anubis), s'ébattent au milieu des déchets abandonnés par les visiteurs. Plastiques, boîtes de conserves et autres détritus sont-ils meilleurs ou plus faciles à dénicher que les rares fruits disséminés dans les énormes arbres qui entourent le lieu ? On s'étonnera après de la disparition des espèces de babouins, grivets, colobes et des vervets au ventre blanc et parties génitales bleues ! Au fond des gorges profondes de la rivière, de gros mammifères avancent lentement dans le pré qui borde les eaux tumultueuses. Est-ce des hippopotames ? Le clou de la journée c'est Filoha. Au pied du cratère
Fontalé est
une oasis, un lac ou plutôt un marécage, appréciés
de nombreux oiseaux et quelques crocodiles qu'on devine glissant à fleur
d'eau. Les Afars et les Kereyous sillonnent le parc, à la recherche de pâturages, en compagnie de leurs troupeaux et sans lâcher le fusil qui a remplacé le bâton de berger, Ils sont beaux, ils gardent quelque chose d'ancestral dans leur silhouette, leur démarche. Mais ne tentez pas de les "capturer" dans votre boîte noire. Ils sont libres et revendiquent ce statut. On dit qu'ils peuvent être agressifs. Voilà la raison qui oblige tout visiteur à prendre un guide armé. Dommage. |
|||||
Le mauvais temps ne décourage pas les gens, ne les distrait pas de leurs occupations. Ils vont. Le long des routes on peut acheter du charbon de bois enveloppé dans des écorces d'eucalyptus tressées, des pastèques, de la ficelle artisanale... et toujours du khat. Avec un peu de chance on peut se mêler à la foule du marché à bestiaux. Des zébus bien encornés à la bosse charnue, des moutons râblés, des coqs, des chèvres. Les Afars et les Kereyous sont là aussi. Grandes silhouettes en pagnes et étoles beige. Un marché animé où on tâte la bête, on marchande, on achète, on vend. Dans quelques jours c'est la fête, la pâque orthodoxe, la fin d'un long carême. Parfois on assiste à des scènes spectaculaires. Ainsi les vautours en train de dépecer un dromadaire ou de finir de nettoyer la chaussée où un imprudent animal avait laissé sa vie. |
|||||
Après Awash, il y a ce joli lac, le Beseka, au pied du volcan Fontalé. Ce lac de plaine cerné par les coulées de lave héberge de nombreux oiseaux, dont d'énormes pélicans qui semblent attendre le train en provenance d'Addis ou de Djibouti. Les rails sont là, à fleur d'eau, sur une toute petite levée de terre qui traverse le lac. A chaque heure du jour, on lessive, on joue, on pêche, on se lave. Les enfants se baignent dans les eaux calmes et peu profondes du lac. De petites huttes rondes, campements temporaires des tribus nomades, se dissimulent derrière les buissons. A mesure qu'on s'avance vers Addis-Abeba, la route traverse des zones noirâtres, un chaos de blocs de lave, de vagues cônes volcaniques. Par-ci, par-là, des arbustes reprennent vie. On est tout près du rift, la grande fracture qui court du sud au nord dans la partie Est de l'Afrique entraînant à sa suite un chapelet de lacs. A Debre Zeit, le lac Bishoftu, étale ses eaux vertes dans un cratère, quasiment au centre ville. Un restaurant panoramique permet de déjeuner face à ce tableau. Quelques kilomètres plus loin, c'est le lac Hora et ses myriades d'oiseaux. Nichés dans les roseaux, perchés sur les arbres ou sur des troncs au milieu de l'eau, nageant, marchant sur le rivage : des oies, des ibis, des poules d'eau, des cormorans, tant et tant … |
|||||
|
|||||
Modifié le 25-Oct-2018 © Ethiopie 2006-2007-2008. Mireille
Jeanjean. Les textes et les photos édités sur ce site
sont la propriété de l'auteur... |